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 [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC]

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Lacenaire
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MessageSujet: [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC]   [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC] EmptyMar 14 Nov - 10:22

... à ma sauce! cheers

Eh bien, voilà, après approbation générale de mes joueurs, je me lance dans une campagne Changeling. Après quelques modifications majeures du background, ainsi qu'une lecture approfondie de plusieurs livres, nous pourrons nous y mettre.

Mais pour le moment une pitite introduction, avec pour but - avoué -, de travailler quelques effets de style... et vous ravir! Du moins je l'espère Smile

Au plaisir...
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Lacenaire
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MessageSujet: Re: [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC]   [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC] EmptyMar 14 Nov - 10:23

… le métro m’a déposé à l’heure habituelle. Comme tant d’autres je parcoure des couloirs froids, gris. Nous longeons, cadres et petites mains coude contre coude, des affiches publicitaires mornes, promesses de voyage et d’exotisme. Je m’arrête – on me bouscule, on maugréé, je n’en reste pas moins debout, seul au cœur de ce ruisseau sans fin. Une des hôtesses, qui promet à qui veut bien le croire un dépaysement à moins de cinq minutes de New York, a été vandalisée. Sa face au teint cuivré se pare de moustaches animales dessinées au marqueur. De longues oreilles de lapin, incontestablement, rehaussent sa chevelure trop blonde. Mon attaché-case manque de choir, malmené par les foules d’usagers.
D’un pas égal je reprends route.
Marches à ne plus savoir qu’en faire, badauds maussades, d’autres couloirs, pas assez larges et trop froids, des directions et des correspondances, le bruissement des agneaux qui avancent en bon ordre. Il me semble un moment que quelqu’un va à contresens, une sorte de bouc à moitié fait homme. Jeune, plutôt beau, les traits distendus par la terreur. Je me frotte les yeux, coincé entre une mégère et un technicien de surface éteints. La créature n’est plus là, je soupire, gravit les dernières volées de marches. Une lumière mormone m’accueille, celle d’un soleil sur le déclin ; bientôt l’éclairage public prendra le relais, jetant sur les mystères nocturnes un voile de pudeur. Il faudra s’engouffrer dans des traboules insalubres pour s’effrayer, et non se planquer entre quatre murs, un toit et un sol.
As usual, j’emprunte des rues que le temps n’a pas épargné.
Là, à l’entrée d’un terrain vague, entre une épicerie de quartier et un restaurant tibétain, un mur m’interpelle. Je passai par ici il y a presque deux décades de cela, pour me rendre à l’école, puis au collège. J’abandonnai l’itinéraire une fois l’université intégrée. Pour mieux y revenir lorsque je m’installais chez feu mon grand-père. Mais, ô que non, je n’avais jamais remarqué cette fresque, peinte à même ce béton disgracieux. Une partie des arches figurées là chevauche la devanture du restaurant ; à l’autre extrémité les vieilles pierres fictives recouvrent partiellement le auvent du commerce. Et ces voitures tonitruantes, aveugles, qui passent derrière moi, avec leurs klaxons prêts à mugir, les pots d’échappement qui pétaradent, ces cris que poussent les automobilistes perdus dans la masse. Moins de monde me presse, bien que je sente la foule évoluant en tâchant de m’éviter ; ils ne sont pas nombreux, dans le coin, les gens qui comme moi portent un costume et un attaché-case. Je m’en tape, je ne peux me détacher de ces arches, ce pont jeté sur le béton armé. L’allure élancée de l’ouvrage, son tablier trop fin, comme fait de cristal ou de verre. Les prairies qui poussent, tranquillement, presque à vue d’œil, aux pieds des pylônes. La majesté de son galbe : si cet affreux mur ne s’était pas interposé l’édifice aurait jeté son dévolu sur les étoiles. Elles qui tardent à apparaître, ainsi que la Lune, la faute aux nuages épais et noirs.
Mon bras me lance.
Un gamin s’est emparé de mon attaché-case, l’arrachant à mes doigts lâches, sans pour autant épargner mon coude et mon épaule. Je tombe à la renverse, surpris, sur les fesses. Sans trop me prêter attention la foule m’esquive. Je suis des yeux mon petit voleur, un môme sale et débraillé, qui bifurque au carrefour suivant. Il n’est guère plus qu’une tâche au loin, un fourbi de couleurs, celles de ses guenilles récupérées au petit bonheur la chance. Surprenant, un sourire enfantin s’accapare de ma face. Une de ces grimaces bonnes enfants, spontanées et vivantes. A ma grande surprise je ne scande pas, ne hurle pas. Au contraire : après la sourire il me faut retenir un fou rire. Là, le cul sur le bitume, je pouffe, revient à la fresque murale. Cette joie me quitte sur-le-champ : la peinture n’est plus là. Ni la porte de bois, en trompe-l’œil, qui s’ouvrait sur le terrain abandonné. Je me redresse, m’approche, tâte le béton. Ni plus ni moins que celui que recouvre du papier peint, chez nous. Il est d’ailleurs tant de rejoindre ma douce. Un bref instant je songe au garçon qui est parti avec ma mallette, et qui doit certainement la fouiller en ce moment. Je lui souhaite bon courage, je le remercie en silence : il vient de m’arracher un poids. Je n’en chemine que plus léger, sifflotant. La première fois depuis des lustres.
Ce soir nous recevons, me semble-t-il.

*

Je n’appartiens d’ores et déjà plus à la masse. Les passants ont cessé de m’ignorer, la faute à ma mise : débraillée, pour ne pas dire sale. Une barbe de deux jours grignote mes traits fatigués, je fume cigarette sur cigarette. Cela va de soi, des cernes creusent mes joues. Ce ne sont pourtant pas les longues heures de sommeil qui manquent ; je vaque à mes rêves, de plus en plus colorés et vivaces. Sur des plaines d’un vert émeraude je chevauche un destrier étincelant, lance en main et épée au côté. Des tours de cristal et d’or dominent l’horizon, ainsi que des bois sombres, promesses de bien des troubles.
Peut-être est-ce le canapé ?
Il est inconfortable au possible, m’arrache à ces songes extraordinaires dès l’aube blafarde venue – torticolis en perspective à chaque réveil. Depuis cette fameuse soirée ma douce ne l’est guère ; je suis arrivé en retard, moribond, pour supporter ses collègues revêches. L’un d’eux vantait les mérites de son auto, à grands coups d’alexandrins involontaires. Une autre s’acharnait à le faire taire. Le reste suivait les débats d’une oreille torve. De notre salon, meublé avec soin, ne subsistait plus qu’un boudoir ennuyeux et convenu. Sans exception les invités martyrisaient une bouteille de whiskey, seize ans d’âge, que je réservais à de meilleures occasions.
J’ai beau lui avoir expliqué, ma femme ne m’a pas cru.
Ce sont des lutins contrefaits, pour ne pas dire difformes, qui se sont chargés de remplir mon verre. Pour y boire tout leur saoul. De très petites créatures, hilares et malveillantes, que j’étais seul à voir. Pour ne pas en perdre de trop, j’ai siroté plus que de raison la boisson. Las, une fois de plus j’étais bien le seul à lui trouver un goût de paradis. Un arrière-goût ancien et épicé, que je savais instinctivement être celui des nuages, autrefois distillés par les satyres. L’ivresse ne me gagna que plus vite – d’après ma mégère je racontai billevesées et mensonges à la chaîne, hurlai et battais le vide à l’aide d’une épée fictive. Je beuglai, défiai les invités effarés. Avant de m’écrouler sur le canapé, les en chassant, pour couler, lentement sur le sein de ces rêves. Les premiers dont je me souvenais depuis dix ans. Mais comment les oublier ? Ceci dit je comprends ma dulcinée : ses collègues nous ont quitté promptement, oscillant entre le chagrin et la colère. Quelle vie je lui fais là ! Nous ne nous parlons plus, sans que j’en ressente quelque tristesse.
Non, ce qui me mortifie est tout autre.
Mon patron ? Son premier avertissement est tombé hier, d’emblée. Ne venais-je pas de perdre deux ans de boulot, en sus d’un attaché-case à deux cents billets ? Je haussai les épaules, dégageant un peu plus de cette sueur aux relents de gnôle. D’où, très certainement, le blâme. Il fallait me ressaisir, voilà ses mots exacts. Comme la sentence tombait vite. Sans préavis, sans que je puisse m’y préparer. En temps normal la même situation m’aurait arraché de longs gémissements, douloureux à souhait : ce travail était toute ma vie. Là, à cet instant précis, je songeais ô combien il aurait été agréable de replonger dans mes rêves éthyliques. Ni plus ni moins. Alors à quoi bon s’acharner ? J’ai laissé glisser les heures, sans rien faire, sans abattre une nouvelle pile de dossiers. Rien à foutre. Au beau milieu de la journée je suis sorti me racheter des cigarettes, après dix ans d’abstinence. Grand bien m’en fasse.
Hier au soir ?
J’ai suivi d’autres lutins, faméliques ceux-là, jusque sur le quai d’une station de métro. La bande, aux ongles crochus et noirs, s’est ensuite engouffrée sur la rame, pour gagner les ténèbres souterraines. Je n’ai pas suivi : il y avait comme des yeux par douzaines, jaunes ou rougeoyants. Ainsi que des crissements, pareils à du béton se fissurant. Avant de m’en rentrer, sans trouver ni repas ni plat préparé. Jamais cet appartement ne m’avait semblé si froid. Et ce froid me mordait, par petites touches d’abord, puis avec ardeur. L’écran de la télévision crachait ses programmes habituels, les enceintes boutaient hors d’ici un silence gênant. Fébrile je partais en quête d’une bouteille d’apéritif, faisais l’impasse sur le verre. Je rejoignais ensuite le maudit canapé, où s’était assise ma douce. Ni plus ni moins qu’une ombre, sans beauté, dénuée d’expression. Pas même du mépris, juste un grand néant fait chair. Chairs que j’aimais tant dévorer, autrefois. J’attaquais sur une rasade digne d’un satyre. Sans récipient point de pillage : je devinais les lutins difformes qui m’épiaient, de derrière le meuble où repose le poste télé. Incapables de me subtiliser de la liqueur, grâce en soit rendue au goulot.
C’est là que je m’endormais, pour m’y réveiller comme sclérosé.
Le dos en vrac, la nuque aussi solide que du béton. Avec en prime une gueule de bois à en tomber. J’avais de plus en plus froid, il fallais que je quitte l’endroit au plus vite ! Sans prendre le temps d’une douche, tant je tremblotais, je partais au travail. Et je suis là, mal fichu, puant et mal mis, à marcher pour rejoindre la bouche de métro. Avec, très certainement, un second blâme au bout du chemin. Je soupire un peu de fumée, hésite à entrer dans l’épicerie, pour y acheter quelques bières et sceller mon destin. Sans plus m’interroger que cela – à quoi bon ? Pourquoi la déchéance prendrait-elle son temps, puisque la rentabilité est le maître mot ? Quelque chose, quelqu’un, attire mon attention. Un enfant, lui aussi dépenaillé, qui dévore mon attaché-case, sur le perron d’une porte entrouverte. Un battant de vieux bois, poli par le temps. Ce môme aux atours colorés, quoique rapiécés, engloutit deux cents dollars de cuir en quatre morsures ; il a des dents monstrueuses, qui percent et déchirent avec aisance. Et cet air innocent, qui tranche. Le mur gris s’est paré de cette fresque, sa superbe m’éblouit presque. Mon petit voleur finit d’engloutir l’attaché-case, ainsi que les deux années de travail qu’il contenait. Il rote avec plaisir, l’estomac plein. Me regarde, étonné. D’un pas étonnamment vif il s’éclipse pas la porte, sans la refermer.
Je le suis, tout simplement.
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MessageSujet: Re: [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC]   [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC] EmptyMar 14 Nov - 10:24

Ici l’air est léger, à ce point pur qu’il embaume mes narines. Une douce senteur de printemps m’assaille, je ferme les yeux, hume jusqu’à en faire exploser mes bronches. Fragrances de tulipes écloses et de lys fièrement dressés, auxquelles se mêlent celles, moins subtiles, de la roche battue par une eau cristalline. Pollen éthéré que portent des vents doux. Le bruissement des feuillages, l’odeur de la sève qui s’écoule avec lenteur sur des troncs parfois à vif. Des oiseaux, non loin de là, aux relents animaux. Un musc subtil, pour couronner le tout. En ce lieu chaque chose, jusqu’au plus infime pistil, dégage une présence inouïe – les sons sont pleins, les senteurs fortes. Je savoure, le mot est faible. J’écarte les bras, rouvre les yeux. La lumière, elle aussi incroyable, me les avait blessé.
Sans doute possible c’est là la rue que je quittais.
Quoique pas tout à fait. Les façades, de l’autre côté froides et grises, se parent de lierres langoureux. De longues tiges, parsemées d’un imposant feuillage émeraude, convoitent doucement le rebord des fenêtres. Les toits ne culminent plus à des hauteurs improbables, Manhattan s’est faite petite : la plus grande des bâtisses avoisine les trois étages. Bien qu’à l’abandon les perrons resplendissent, grâce en soit rendue aux dorures et aux bas reliefs, qui s’écaillent de bien belle façon. Le bitume, ainsi que le béton, ne sont plus ; on leur préférera des pavés inégaux, qu’une légère pellicule de poussière parcoure par vagues. Les trottoirs sont plus larges, parsemés d’arbres centenaires, chênes fiers ou bouleaux ombragés. Quelques saules pleureurs, aux branches parcourues de larmes discrètes, sont perdus dans la masse feuillue. A chaque carrefour, bien plus espacés que de l’autre côté, des statues tombent en désuétude. Colosses ou héros de temps anciens, qu’importe, tous vieillissent bien : les fissures révèlent un cœur de quartz ou d’améthyste. Au loin, dans les environs de Central Park, s’élève un édifice qui défit la raison : tours blanches qui percent les nuages indolents, remparts imprenables et créneaux de titan. Un griffon trône, majestueux, sur le plus haut des toits de cristal. La bête, je le vois d’ici, s’ébroue, déploie ses larges ailes – son envol fait se lever des bourrasques jusqu’ici, à des lieues de là.
Apeuré, un duo de cerf s’éclipse.
Une harde de ces lutins difformes leur donne la chasse, je les suis du regard. Les bêtes, impressionnantes, les sèment sans produire trop d’effort. D’un pas hésitant je m’engage dans la rue, sans pouvoir me détacher du spectacle ; personne n’arpente cet endroit, je le devine bien tôt. Déjà je gagne un autre quartier sans croiser âme qui vive. Ici les devantures reflètent un soleil impérial, jusqu’à former un méli-mélo d’arcs-en-ciel. Vives, les couleurs se répondent, se fondent et s’entrecroisent, spectacle qui me ravit. Des fontaines pleines donnent la réplique au cristal des fenêtres et autres vitrines, le ballet est sans fin. Des papillons de couleur volettent au travers des réverbérations. Un claquement sec résonne, écho amplifié par les vieilles pierres. Je fais face d’un bloc, la surprise ensuite me tétanise. Il est là, avançant tranquillement à ma rencontre, tel que je le voyais en rêve. Un étalon d’une blancheur éclatante, destrier rêvé par des générations de cavaliers. Sa robe est éblouissante, sous le soleil au zénith. A une toise à peine de moi il s’immobilise, henni avec gentillesse. Puis, d’une révérence qui me stupéfait, il s’accroupit, m’invite à le monter. Je n’hésite guère, malgré l’absence et de selle et d’expérience en ce domaine. Une fois bien installé sur son dos il se redresse, doucement, sans se presser. Sa crinière est douce comme de la soie, plus solide qu’une maille troll. D’un pas égal l’étalon me porte, vers une destination que j’ignore.
D’ici ce monde est d’autant plus magnifique.
Des détails m’interpellent, comme par exemple ces minuscules fées qui nous auréolent. Courbes délicates, ravissement du regard, ailes de libellule qui dissimulent mal une nudité des plus appétissantes, elles sourient et applaudissent spontanément ma venue. Au fur et à mesure que nous avançons mes atours s’alourdissent, mais point jusqu’à trop me peser ; mon costume se métamorphose en cape de belle facture, ma chemise se fait plastron rutilant. Un maillot de corps devient cuir souple, mes chaussures de ville crades des chausses confortables. Je ne suis guère surpris de trouver une épée longue, dans son fourreau, à mon épaisse ceinture. Au détour d’un carrefour des façades éventrées, non loin d’une bouche de métro – si grise, si morne ! – m’interpellent, ma monture renâcle, afin de me mettre en garde, non par peur. Un vent froid souffle, du béton armé suinte d’entre les pavés. Ici le lierre se flétrît, les fenêtres de cristal gisent, six toises trop bas. J’empoigne le manche de ma Mange Cœur, n’en dégaine qu’une partie, sur le qui-vive. Elle ne tarde pas à apparaître, la monstruosité, grande comme trois chevaux, plus contrefaites encore que les lutins qui me harcelaient tantôt. Ses ailes membraneuses claquent, des griffes s’en extraient coule un épais venin. Sa gueule, du bout de deux toises d’un cou hérissé de barbelures, claque, geste de défi. Une mâchoire garnie de cent crocs noirs, une bave acide en abondance, nulle langue. Juste des abîmes froides et humides, qu’aucun fond ne scelle.
D’un bond elle s’est extraite de la bouche de métro.
Ses pattes antérieures, vague masse de muscle et de gras, frappent le sol, elle pousse un cri perçant, avance péniblement sur nous. Je révèle au grand jour la Mange Cœur, dont les chatoiements rendent au soleil ardent la pareille. Un premier coup de griffe ne pourfend que le vide : ma monture a esquivé sans coup férir l’assaut, mais d’autres lui succèdent. Plus précis, de plus en plus vifs, du venin nous éclabousse, ainsi que de la salive glaciale. Le souffle fétide de la créature nous frappe de plein fouet. Presque insoutenable. Et, pourtant, la fuite ne nous paraît point une option viable : j’assène une estocade, avec plus d’aisance qu’il ne me semblait possible, déchire le cuir d’une des ailes. Le monstre rugit, révise sa stratégie. Même si aucun sang ne perle il s’essaie à nous contourner, le destrier s’adapte, fait face, toujours, dans l’attente d’un assaut prochain ; la queue de notre adversaire achève des façades en piètre équilibre, un nuage de poussière nous enrobe. Je devine des corps, ceux de certaines de ces petites fées que je chérissais ardemment, broyés sous la masse de débris. Douloureuse, ma mâchoire se crispe. Il n’en faut pas moins, pas plus : des griffent percent mon plastron, par endroit déchirent maille et justaucorps. L’étalon se cabre, je défaillis, en lâche ma lame. C’est alors, en réponse au massacre des demoiselles libellules, que se laisse tomber, d’un toit, une silhouette imprécise. Au travers des volutes de poussières, biscayenne et rapière en main, la forme tombe sur le col de la bête difforme, frappe une fois, puis une autre encore.
Alors que je glisse sur le flanc de mon destrier, le souffle court.
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MessageSujet: Re: [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC]   [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC] EmptyMar 14 Nov - 17:05

lacenaire en general se retiens longtemps, mais quand il lache un post c'est un gros lol!
bon evidemment j'ai pas lu pour l'instant, mais ca "viendru" beintot Smile
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Ailean
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MessageSujet: Re: [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC]   [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC] EmptyMer 15 Nov - 12:51

Lacenaire a écrit:
Mais pour le moment une pitite introduction, avec pour but - avoué -, de travailler quelques effets de style... et vous ravir! Du moins je l'espère Smile

Sur ce point c'est réussit c'est un vrai plaisir de lire un texte de cette facture.[Changeling: The Dreaming/ chronique NYC] Worshipgifbe1
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MessageSujet: Re: [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC]   [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC] EmptyMer 15 Nov - 14:54

Embarassed Merchi... Embarassed
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MessageSujet: Re: [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC]   [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC] EmptyJeu 16 Nov - 10:36

Pour information, sans me lancer dans une propagande éhontée (qu'on se le dise!), ces textouilles, suivis demain de leur suite, ont été rédigés avec cette musique, dispo sur le mythique You Tube (avec, en prime, un fort joli clip)...

C'est

Juste pour causer ambiance :D Voilà ce à quoi devaient ressembler les années 60/70, dès lors que nous amis Sidhe revenaient sur Terre, peu après l'explosion de toute une partie d'Arcadia :joker:

(Ou encore ici)
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MessageSujet: Re: [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC]   [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC] EmptyVen 17 Nov - 14:00

Hop! La moitié d'une suite, rien que pour vous!

*

L’étalon blanc se cabre, menaçant, une fois ma pauvre carcasse au sol. La créature ne s’en préoccupe pas : cette silhouette fermement rivée à sa nuque assène estoc sur estoc, malgré les ruades du monstre. Des barbelures cèdent, du sang, pareil à une huile de vidange, jaillit en maigre quantité. Je glisse hors de portée, m’adosse à un mur décrépi – les petites fées m’environnent, pleurent leur défunte, m’enjoignent à me lever. Non, je respire trop difficilement, le flanc percé. Sous moi le sol se meuve, du béton enserre mes pieds puis mes cuisses. Autour des plaies le cuir et le plastron se disloquent, révélant un costume de mauvais tissu. Déjà ma barbe repousse, je n’ai plus la force de lutter, les couleurs du Songe s’évanouissent presque sous mes yeux.
La créature s’ébroue violemment, la forme sur son cou bondit.
Sa réception est impeccable, malgré la puissance de sa proie ; malgré tout je scrute cette face livide, aux traits délicats mais fermes, les cernes qui y creusent deux orbites noires. Au fond de ces puits rayonnent deux yeux mutins, étincelants. La spadassin porte les cheveux courts, d’un blond profond, quoique morne. Son mantelet de cuir s’ouvre, révélant un domino en guise de pendentif. Le monstre se redresse, mon destrier hennit, à lui aussi il manque maintenant des couleurs, les teintes de sa robe se font pastel délavé. Le béton raffermit sa prise sur mes jambes, gagne mes hanches. Revancharde, la bête immonde fond sur la jeune fille. Celle-ci esquive, roulade parfaitement effectuée, frappe aux membres adipeux – encore de cet ichor maussade, maigre ruisseau au regard de sa masse. Elle ne fera pas long feu : elle a beau s’escrimer, plonger, riposter, bondir, ses coups n’entament que le cuir de la créature.
Cette dernière ne sa fatigue même pas.
Sa queue défonce d’autres façades, averse de débris, nuages de poussière, ses griffes arrachent des pavés au sol, sa gueule claque à quelques pouces de ce si charmant visage, trop pâle à mon goût. Une sueur abondante y ruisselle, le combat est perdu d’avance, la nuée de fées s’éloigne à vive allure. Si j’avais j’aurais fais de même. Encore le béton me recouvre, jusqu’à tâter mes blessures. Une fontaine rouillée éclate, pulvérisée d’un coup de patte maladroit. Une honte sans précédent m’envahit ; qui suis-je, pour abandonner à la mort cette bretteur d’exception ? Haut dans le ciel, en cercles concentriques, un griffon majestueux nous survole. Juste un point indistinct entre les nuages, que sa majesté trahit. Un escalier, précédemment mis à nu, éclate : la bête s’est jetée de tout son poids sur son ennemie, la manquant de peu. La jeune femme se rétablit mal, ni ne crie ni ne jure, chute à quelques pieds des restes de la fontaine. L’autre, me semble-t-il, sourit de tous ses crocs, fait volte-face, tourbillon de caillasses. Qui suis-je, pour tourner le dos à l’adversité ? D’une main que je voudrais plus ferme j’empoigne le béton, l’éloigne de mes plaies. Il résiste, mais juste par principe. J’arrache cette floraison de mauvais augure, cherche à tâtons la Mange Cœur. Et si les impacts de griffes ne se volatilisent pas, du moins pas plus que la souffrance, je ne vois plus de costume froissé sous ma cuirasse. Juste des trous rouges, noirs et blancs, en partie des entrailles. Sans relâche la chose frappe. L’autre esquive avec peine, manque par deux fois de se séparer de ses armes. Le coup de grâce approche, de la bave, suffisamment glaciale pour me faire frémir, s’écoule en abondances d’entre des rangées de crocs. A l’aide de la Mange Cœur je me redresse, hurle. Mon cri, défiance à l’état pur, brise les hostilités ; ma sauveuse s’éloigne, essoufflée, son adversaire se tourne vers moi, gueule grande ouverte. J’avance sur cette dernière d’un pas hésitant, ma monture me rejoint.
Vite, sonnez l’hallali : voici venue mon heure.
Un Gwydion ne peut fuir : il combat, fier, puis meurt !
Ce griffon, emblème de ma maison, se dessine sur mon plastron abîmé, le monstre s’élance, confiant. Pareille à une ombre, toujours silencieuse, l’anonyme guerrière se fend – son coup de taille, légèrement trop court, sectionne presque une aile. Déséquilibrée, surprise, la créature se vautre lamentablement. J’en profite pour placer un assaut, lui désespéré, qui fracasse la gueule. Des crocs sont brisés, les cartilages fracturés, de cette huile puante s’échappe à gros bouillons. Vive, la jeune fille blafarde prend parti de la situation, plante ses lames dans le cou offert, d’un mouvement de poignet ouvre grande une gorge. Un second blason, pareil à un arbre aux branches coupées, m’apparaît, sur sa tunique décharnée. Mais tous nos efforts sont vains, et la bête hurle. Son cri fait s’éveiller les profondeurs : de la bouche de métro un grondement abyssal résonne. Mille créatures s’acheminent, rejoignent les lieux de la bataille. Nos regards se croisent, déjà le venin reprend le dessus sur ma volonté, je m’effondre, dos au sol. Un froid sans précédent m’envahit, des formes cauchemardesques jaillissent de la bouche de métro. Je devine le lierre qui finit tout à fait de pourrir, les teintes qui se ternissent, mon corps qui s’alourdit. Et elle, qui chuchote non loin de mon visage, qui me traîne par les épaules. Elle n’a pas de dents, ses lèvres sont d’un rouge trop prononcé. Au-dessus de nous la sombre marée se réunit, mælstrom d’ailes, de griffes et d’ergots. Plus de regards incandescents que ne je pouvais en imaginer.
Tout cela, enfin, fond sur nous.
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MessageSujet: Re: [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC]   [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC] EmptyVen 17 Nov - 14:01

Bon, je ne sais point où j'en étais pour continuer sur ce délire, mais toujours est-il que c'est fait... so... Wink

*

Vif Argent, c’est ainsi que j’aurais du le baptiser : plutôt que de nous laisser aux serres le destrier s’élance, la bretteur puise dans ses dernières forces, s’agrippe à son encolure. Puis, enfin, ce monde de couleur s’éteint tout à fait. Le claquement des ailes, la noirceur des veinures, les haleines fétides, le jaune glauque des nuées, le froid des corps difformes – je hurle, elles me répondent. Des masses visqueuses tentent de se saisir de mes pieds, qui traînent sur les pavés, la jeune fille taillade tout ce qui passe à sa portée, l’étalon galope entre les groupes compacts de monstres. Certaines créatures, trop simiesques à mon goût, bondissent d’un toit à l’autre, sans nous lâcher des yeux. Déjà des écorchures, bénignes mais disgracieuses, endolorissent ma face. Combien sont-ils ? Pas assez pour retenir ma monture, trop pour que nous puissions nous en sortir en vie. Au-dessus de la marée de démons, qui s’accroche aux façades, le dragon de malheur nous suit, répandant de son horrible graisse sur son chemin – gorge tranchée ou non. Des gobelins jaillissent aux carrefours, où les si belles fontaines crachent une eau noire. A plusieurs reprises ma tête manque d’éclater, sur un arbre de travers ou sur le rebord d’un perron, la course est folle, désordonnée. Derrière nous des corps monstrueux choient, privés d’une tête ou d’une aile, coup bien ajusté de biscayenne ; les poursuivants s’en moquent, pour la plupart. Les autres cessent de nous pourchasser, avant de se mettre à table.
Et toujours ce froid !
Maudit soit-il ! Comme si subir cette situation, bringuebalé à bout de bras, ne suffisait point ! Encore fallait-il que cet atroce venin m’enrobe de sa robe hivernale. Ajoutez à cela le souffle fétide des nuées, le zéphyr glacé de leur haleine. Je suis surpris de me trouver une conscience, alors que la horde blafarde se rapproche ; de nouveau des excroissances noirâtres s’attaquent à mes jambes, je reconnais là ce foutu béton. Certaines griffes – de toute façon il n’y a que cela, hormis les battements d’ailes et les regards maussades : des serres ! – frôlent le panache du destrier. Ma sœur d’arme souffre de multiples estafilades, impossibles à parer. Le coup de grâce ne devrait plus trop tarder. Accueillir la mort sera un honneur, dans de telles conditions : lame en main, face au pire des ennemis, le regard farouche. Dommage qu’aucun barde n’ait fait le déplacement, nous serions entrés dans la légende. Venez, mais venez donc ! La Maison Gwydion vous attend ! Forcez l’allure, que je fauche vos faibles rangs ! Faites-moi l’honneur d’une passe, je saurais mutiler vos excroissances et ce qui dépasse de vos couennes racornies ! Bien sûr je ne hurle pas : je suis trop faible pour cela. Mes pupilles expriment cette rage retenue, qui s’exprimera en temps voulu. C’est alors que le ciel, uniformément gris à cet instant, se déchire.
Par endroits seulement.
Des points noirs, qui grossissent à vive allure, tombent d’entre les nuages déchiquetés. L’étalon force l’allure, ces apparitions tombent au milieu de nos poursuivants. Les explosions qui s’ensuivent éclatent les nuées compactes, sèment un chaos sans pareil. Par dizaines les créatures sont répandues, disséminées. Des toits cèdent, ainsi que des façades, fracas épouvantable. Mais voilà qui ne suffit pas ! La marée ne ralentit qu’à peine, pour certains c’est même l’occasion de forcir le pas ! Une seconde salve retentit, je hurle. Une place, qui doit être Time Square de l’autre côté du miroir, est littéralement volatilisée. Des débris retombent en pluie meurtrière, les assaillants sont pris dans la tourmente. Il ne s’est pas passé trente secondes entre chaque tir, encore les canons crachent leurs boulets, réduisant en charpies gobelins et ogres, banshee et harpies. C’est alors, quand d’autres boulets tombent des cieux, que les nuages gris sont éventrés. D’abord une coque, rutilante, aux reflets argentés, franchement bombée, qui mutile les volutes maussades. Sur chacun de ses flancs la bouche des canons fume, il s’en détache des plaques de poudre. La proue ensuite, dispersant les cieux hivernaux, apparaît ; une femme, que je sais être Astarte, Reine de l’Automne, y figure, statue de bois resplendissante. Sa chevelure, d’un roux profond, courre sur le bastingage. La poupe ? Enorme et lourd, qui ne rend guère hommage à la divine créature qui trône à l’avant, aussi haut que deux pavillons, plus large qu’un building. Enfin s’extrait du morne cocon le ballon et les cheminées crachant, situées à l’arrière. D’autres salves, qui finissent de réduire en miette le quartier, non pas nos poursuivants. Sur le pont des silhouettes indistinctes, malingres et petites, s’agitent, prises d’une activité frénétique, à ne plus pouvoir les arrêter. Les Nockers sont ainsi, surexcités. Ils vont d’une tâche à l’autre sans jamais vraiment savourer le temps d’une pause. Bien plus épais, pour ne pas dire massif, un troll tient la barre, tromblon dans le dos. A la force de ses mains puissantes, ainsi qu’à la grâce des vents, il infléchit la course du navire, au pavillon éloquent : un marteau de guerre, frappé d’une rune d’honneur.
La Quatrième d’Infanterie Troll poursuit son bombardement.
Et quand bien même nos ennemis sont moins nombreux, ils n’en sont que plus hargneux ; d’entre leurs lèvres décharnées coulent des insultes blessantes. Le navire cesse son feu, malgré les serres et le sergots qui se rapprochent – il doit se poser, à une lieue de là. Que dire alors de ce dragon difforme, qui par miracle a échappé aux tirs qui lui étaient destinés ? Il gagne en vitesse, alléché par un si sympathique festin. On ne lui dérobera pas ! Même si ce Sidhe, déjà mal en point à force d’être traîné à vive allure, suffirait à le rassasier goûter de cette Sluagh ne lui déplairait point. Je jure sur l’instant qu’il n’en sera rien. Foi de Gwydion, que vienne ce monstre ! Je saurais l’accueillir, lui donner de mon panache. Un peu de mon crâne rencontre le sol, je sens la prise de ma consoeur qui, il était temps, se relâche. D’un mouvement brusque je m’arrache à elle, l’abandonne aux bons soins de ma monture. Par bonheur je peux me réceptionner sans trop de dégâts : un roulé-boulé hasardeux m’évite l’abrupte rencontre d’une volée de marches. Je me relève, l’étalon emmène loin de moi la fée qui était venue à mon secours. Et je fais face. La horde s’est immobilisée, ne perd pas de temps, m’encercle rapidement. Leur alpha, dodelinant, la tête enfoncée par mon coup, reste à l’abri, derrière ses nuées. Une première harpie fond, j’abats la Mange Cœur avec toute la conviction qu’il me reste : elle est ouverte de l’épaule au bassin, m’éclabousse de ses humeurs poisseuses, choit et crève. Je brandis la lame, qui s’enflamme. Mes yeux se plissent, la douleur se retire. Au tour de mes muscles de se tendre, plus solides que jamais. Un groupe de gobelins, appuyé par un ogre énervé, se rue sur moi, je réceptionne leur charge comme un Gwydion se doit de le faire : je pointe mon épée vers eux, m’élance à leur rencontre. L’impact est terrible, je manque d’en tomber. L’ogre s’embroche sur mon arme, s’enflamme de l’intérieur. Des dagues rouillées creusent mes flancs, certaines trouvent la faille de mon plastron. Jamais je ne m’agenouillerais ! Je retire la Mange Cœur de ce fourreau embrasé, frappe sans y penser, taille et crache un peu de sang. Parfois des gobelins tombent les uns sur les autres, apeurés. Pauvres créatures, malsaines et vêtues de haillons et du fruit de pillages. Je les brise comme on le ferait de rameaux. Une ombre m’ensevelit presque : le dragon blessé me fait face, écrasant sous ses plis de graisse des harpies distraites. J’avance, nullement fatigué. Nous nous jaugeons. Le combat sera bref, je le sais bien. Pourrais-je asséner ce coup miraculeux, qui nous renverrait tout deux au royaume du Rêve ? Je n’en doute point. Taïaut ! Je charge, frappe. Le vide. La Mange Cœur gémit, plainte qui se répercute sur les façades ravagées. Un cri seulement lui fait écho : celui du griffon, majestueux, qui a jeté au sol mon adversaire, tout droit depuis les cieux. Son plumage égale son ramage, ainsi que son lignage. Lui exhibe des serres, de vraies, qui déchirent et arrachent avec précisions, entrant dans les chairs comme elles en ressortent : proprement. Son bec d’or, il n’y a pas de doute possible, tranche et sectionne sans se salir. Sept toises d’envergure, au bas mot, une musculature de titan, le rapace géant massacre la bête clouée au sol. Je reste pantois, tandis que derrière moi se pose le navire volant, avec à son bord mon destrier et la jeune fille blessée. Une tête, que tantôt je meurtrissais, est bectée, aussitôt recrachée. La harde s’enfuit, grandement diminuée.
Et maintenant, alors que je m’effondre tout à fait ?
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MessageSujet: Re: [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC]   [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC] EmptyVen 17 Nov - 18:29

la suite la suite cheers
j'en veux encore c'est trop bon !! tongue
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MessageSujet: Re: [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC]   [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC] EmptyVen 17 Nov - 18:49

... Embarassed ... Lundi, promis juré... Embarassed

(Ouaouh, j'ai du mal à y croire...)
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pandore
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MessageSujet: Re: [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC]   [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC] EmptyVen 17 Nov - 20:29

1ere partie enfin lue.
sur le coté litteraire j'ai l'impression deme trouver entre ton roman et tes textes fait sur demon the fallen....
pou le contenu suivre un alcolo c'est pas la fete mais j'ai pas lu la suite alors....
du coup verdict : bon tres bon...
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MessageSujet: Re: [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC]   [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC] EmptyVen 17 Nov - 20:35

c'etait moi au dessu Wink
comme quoi il n'y apas pas que mon cerveau de ne pas connecté Wink
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MessageSujet: Re: [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC]   [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC] EmptyLun 20 Nov - 10:38

Hihi. Ce sont là des compliments qui me touchent... LA SUITE-EUH!

*

Rien, bien entendu. A moins que… car, voyez-vous, il n’y a pas que le ciel qui défile sous mes yeux, à vive allure. Certes, il y a également ce ballon aux proportions épiques, que ballottent des vents furieux. Tout autre chose me passionne, alors que ce venin me dissout dans la Banalité… des visions….

… un groupe de satyres, perchés sur un toit, qui saluent la nuit venue ; un feu imposant, aux teintes d’or, autour duquel ils se réunissent. Pour y boire, chanter, compter fleurette. Leurs danses sont autant d’odes à la vie, les accords qu’ils arrachent à leurs cithares évoquent la joie primordiale, l’euphorie des instants heureux. Ils poussent un « hourra ! » tonitruant au passage du navire, agitent leurs bouteilles dans notre direction. Des éclats de rire…

… un carrosse traverse le disque ambré de la Lune, tiré par un pégase à la robe immaculée ; en guise de cocher un gobelin enchaîné à son poste, maussade mais diligent. Pour toute cravache une mèche d’or, cheveux d’une noble damoiselle. Un blason rayonne sur la porte : un lion d’argent, patte dressée, regardant par-dessus son épaule, sur fond carmin. Les roues de l’attelage laissent derrière elles un panache d’étincelles et font se pâlir de jalousie les étoiles…

… une jeune spadassin, pas plus inquiète que cela, qui se penche sur moi pour mieux me gifler. Sans parvenir à m’arracher à cette torpeur…

… ensuite un jeune roi, au regard empli de sagesse, qui remet sa couronne et son trône à un comparse ; le premier, oreilles pointues, plus magnifique et terrible qu’un dieu, est vêtu d’atours qui sieds à sa condition. Sa mine, elle, non : le chagrin ravage ses traits aussi délicats que du cristal, ainsi que de la détresse. Son interlocuteur, qui empoigne délicatement la couronne, est vêtu tout de noir, une soie unie, que rehaussent des perles de ténèbres. Lui exulte, s’assied confortablement, en monarque averti et intransigeant, sur le trône. Et si sa beauté n’est pas moins grande, l’ironie qui anime son visage est terrifiante…

… les hautes tours que je voyais tantôt, de cristal ou de marbre, aux contours changeants, qui se rapprochent. Au sommet de l’une d’elle des plateformes – pierres brutes et renforts de roches cyclopéennes – où s’activent des dizaines de fées, ainsi que des navires appontés. L’étendart claque, le griffon qui me sauvait la vie s’éloigne à tire d’aile, sur un dernier cri perçant. Le bois du pont grince…

… l’Hiver débute à peine que déjà les jeux d’amour et de haine emportent la Cour dans leur tourbillon de folie. Même parmi les fées du Commun, pourtant à l’abri dans la belle Cité du Mont-Royal, cette agitation gagne ; si encore aucun couteau n’a été tiré hors de son fourreau, des rendez-vous galants sont convenus en secret. Pookas et Trolls ne sont pas en reste, loin de là, ni les Sluaghs ! Bien avant la venue du Printemps les esprits s’échauffent, ou aspirent à trouver la flamme qui éloignera les rigueurs hivernales. D’ailleurs voilà un Eshu bien mit, de satin entièrement vêtu, qui rencontre dans un coin reculé des jardins sa dulcinée Sidhe…

… un garçon, casquette rouge et batte de baseball à la ceinture, qui finit de digérer mon attaché-case. Nonchalant, tel un prince, assit sur le perron d’un Institut pour jeunes en difficulté, il contemple ce navire qui file, si haut dans les Cieux. Il sourit de toutes ses dents – effilées et longues, vaguement jaunies. Autour de lui le Rêve est ruine : les boulets ont faits leur office…

… ces couloirs sobres où je suis porté, escaliers en colimaçons sans fin et gens inquiets qui se penchent sur moi. « Quêtez Samson, dit-on, qu’il vienne au chevet de cet elfe au plus vite ! ». D’autres répliques : « Non ! Qu’on l’amène au Régent, de suite, il se meurt ! ». Instant d’hésitations, je devine des tapisseries magnifiques, scènes de chasse et de fiançailles de temps anciens. « Mais… et la Fête ? ». « Qu’importe, murmure la bretteur ». D’autres volées de marches…

… Grand-père, qui nous comptait ces histoires d’antan. Avec plus de vigueur que je ne pouvais le concevoir. Comme si, par-delà les âges, il les avait vécus. Grandes batailles, romances, trahisons et intrigues, en assez grande quantité pour en faire des écrits jusqu’à ma mort ! Au coin du feu, au détour de la salle de bains, jusque tard dans la nuit, entre deux films, au déjeuner et au souper, pendant les publicités, toujours plus de princesses, d’empereurs et de fées…

… le visage d’un homme aux cheveux gris, yeux habités par le Vide, qui se tourne vers moi, inquisiteur…

… ces gens, déguisés et masqués, qui s’écartent sur notre passage. La salle de réception, au plafond si lointain, recouvert de fresques pour ainsi dire vivantes ; personne ne semble plus y prêter attention, bien que les scènes qui s’y déroulent sont à jamais inédites. Le Château de l’Eté. Des féeries, petites ailes et mines d’ange, volettent, se glissent des mots au creux de l’oreille avant de s’éparpiller. « Samson ! hurle un Troll. Samson ! ». Des loups tout de rubis ou d’émeraudes faits se penchent pour mieux m’observer ; oreilles pointues ou velues, faces juvéniles ou ridées…

… un Sidhe d’une grande prestance, sourcils froncés, qui harangue ses troupes et taillade. Autour de lui tout est chaos et confusion : la bataille fait rage. Des rocs massifs explosent aux alentours, c’est-à-dire une bouche de métro. Tous ses soldats combattent jusqu’à la mort, parfois bien plus encore. Seigneur Dyffel décapite un vieux Troll, sonne la retraite, tout espoir est perdu. Il fait face aux rangs adverses, s’apprête à donner sa vie s’il le faut. Ses sujets valent bien ce sacrifice. Une dague, qui perce ses bronches depuis ses omoplates et qui gagne ensuite le cœur, met fin à sa vie…

… l’enterrement, la fin, inexpliquée, de Grand-père. Pour les uns une crise l’a finalement emporté. Pour les autres ses excès, nombreux et mortels, ont eus raison de sa chance ; comment a-t-il vécu aussi longtemps ? Grâce aux alcools exotiques dont il abusait ? Prétendument liqueurs de nuages et hydromel d’Eden, il en abattait deux litres chaque jour. Pour mieux conjurer son sort il fumait douze de ces cigarillos toujours plus loufoques : épines de roses séchées, trèfles à quatre feuilles fraîchement cueillis, et cætera et cætera. Je sais la vérité : je suis celui qui a découvert son corps, en rentrant de cette école si froide, sur les tapis de l’entrée. Un coutelas aux teintes de cendres planté dans le torse…

… sur la dépouille du dragon de malheur, au cœur des ruines, un Sidhe s’assied, pipe d’écume au coin des lèvres. Une fumée qui s’anime – âmes délétères, créatures grimaçantes – monte doucement en direction des nuages à nouveau blancs. La fée soupire, sa tête tombe presque sur son poitrail. La faute à cette couronne d’or, qui peut-être lui pèse trop ? Qui sait si ses cernes sont le fait de ce fardeau, que même l’opulente chevelure d’obsidienne ne peut plus recouvrir…

… cet homme de petite taille qui m’ausculte attentivement, brocard sur lequel a été cousu un griffon doré, sur fond vert. Sa bouille, il n’y a pas d’autre mot, respire la gentillesse. Malgré les rides et ses bougonnements. « Tout ira bien, mon garçon, détendez-vous. Tout se passera pour le mieux ». Il hoche la tête, confiant, même si une pointe d’incertitude perce son masque de sérénité bienveillante. Je regarde aux alentours, voit cette Sluagh spadassin, alanguie sur un canapé de très belle facture. Je me trouve sur un lit à baldaquins, confortable, serti d’édredons moelleux. Le Boggan s’exaspère, me jette un regard de reproche. « Dormez, m’ordonne-t-il gentiment. » Ma volonté cède sur-le-champ.
J’en suis d’ailleurs bien aise.
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MessageSujet: Re: [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC]   [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC] EmptyLun 20 Nov - 10:39

HOP!

*

« … voilà tout, finit-elle. »
Toujours en murmures : sa condition de Sluagh le lui impose. J’entrouvre un œil, ne bouge pas. Des couettes me recouvrent, épaisses et nombreuses. Je sue, certes, mais le froid ne me quitte plus : il me digère. Ils sont tous deux, le Boggan et la jeune fille, assis à une grande table de chêne, gravée de milliers de spirales. Entre eux trône un magnifique échiquier. Ils fument chacun une pipée odorante, âcre et euphorisante. Elle porte des bandages en quantité, les pieds du Régent ne touchent pas le sol. C’est dans cette pièce qu’il vit et reçoit, une chambrée impeccable, que jamais nulle poussière ne souille.
« Tout ? Permettez, Princesse, mais il manque quelques éléments à votre récit, sourit Samson. A savoir, dans un premier temps, quelle raison vous amenait en ce lieu. »
La Sluagh – Princesse ? – lui rend son sourire, vide le foyer de sa pipe dans un cendrier de jade, médite sa réponse, qui ne tarde pas.
« Mes affaires ne sont pas les vôtres, Régent. Disons simplement qu’un heureux hasard m’a fait croiser la route de ce malheureux, répond-elle sans élever la voix ».
Ils savourent quelques bouffées, expirent ces volutes aux relents d’encens étrangers.
« Alors, selon sa Majesté, de quelle nature était cette créature ? Ce ‘dragon malformé’, pour vous citer, reprend le Boggan. »
« A mon humble avis, répond le Fou Noir depuis son plateau, c’est là une créature de l’Hiver. »
« Oh ! Que voilà de bien grands mots ! se raille la Reine Blanche. »
« Allons bon, les revoilà lancés dans des débats stériles et sans fin ! s’exaspère un Cavalier Noir. »
« Votre mépris m’exaspère, rétorque le Roi Blanc. »
Samson ricane, entre deux bouffées. La Princesse sourit, sans pour autant dévoiler ses gencives édentées.
« Je constate que vous avez rendu leur parole à ces mécréants, dit-elle. »
« Oui-da, votre Majesté : il m’arrive de ne plus supporter la solitude, s’explique le Boggan. Alors, ce dragon, de quel nature était-il ? »
« Ce venin est celui de la Banalité. Or je ne connais aucune Chimère, née de cauchemars ou du plus doux des songes, qui en dispense. Une bestiole de l’Hiver, donc, et une pas piquée des hannetons. »
« Bienheureux votre Régent d’avoir auguré, juste à temps, cette anicroche… »
« Ouah, l’autre, comment il se la pète ! persifle une Tour Noire. »
Pour toute réponse un pion de la même couleur lui assène un terrible coup de massue ; la pièce se tait, mais ni ne gémît ni ne ploie l’échine.
« Définitivement ce Redcap n’a pas perdu de son verbe, rit doucement la Princesse. Qu’il soit prisonnier ainsi n’a pas entamé son caractère moqueur. »
« A qui le dites-vous ? lance un Fou Blanc. Il est pénible, je vous l’assure. »
« Silence, bougonne Samson, qui rallume sa pipe. Une créature de l’Hiver, nous en conviendrons. Un dragon, en prime. Ce n’est point le premier cas, depuis la dernière Samhain. D’où viennent ces monstruosités, surtout en telle quantité ? Il va falloir agir, et vite, si nous ne voulons pas voir de nos sujets happés par ces horreurs… »
« Un invité ! scande un pion blanc. »
« Oui, oui, un invité ! reprennent en chœur les noirs. »
« Sidhe, Sidhe ! précisent les autres pions blancs. »
Le Régent n’a pas le temps d’ouvrir la bouche que la porte de ses appartements s’ouvre à la volée. Apparaît un être grand, filiforme, au visage ridé par l’inquiétude, son front serti d’un diadème d’or et ses oreilles pointues fièrement dressées. Sa chevelure noire tombe dans son dos, cascade aux reflets mordorés, le tout est recouvert d’une toge impeccable, qui dissimule mal une longue lame.
« Le voilà, le voilà ! précisent, un peu tard, les gardiens miniatures. »
La Tour Noire, Redcap prisonnier, en profite pour rendre son coup au pion blanc – en traître, comme il se doit. Le Sidhe referme derrière lui le battant de bois finement taillé, dévisage l’assistance.
« Régent, Princesse, mes salutations distinguées de la Maison Eiluned ! »
Sa voix est claire, posée, parfaitement travaillée, appuyée de gestes maîtrisés.
« Mes hérauts me rapportaient tantôt des faits pour le moins… perturbants. Est-ce là le blessé ? »
Il me désigne poliment, sans trop s’attarder sur ma forme inanimée.
« Oui, grogne la Sluagh. Peut-on savoir ce que vous faites ici ? Depuis quand la Maison Eiluned porte un quelconque intérêt aux choses de la guerre ? »
Le poison qui suinte d’entre ses mots n’échappe à personne.
« Depuis toujours, réplique, faussement choqué, le Sidhe. Là où des monstres menacent notre peuple ma Maison partage ses connaissances et fournit à la noblesse les armes pour mieux les contrer. Si nous ne brandissons qu’occasionnellement nos épées ce n’est point par lâcheté ou vilénie : nos arcanes sont plus porteuses que nos lames ! »
« Ah, faux-cul ! s’emporte la Tour Noire. Jamais entendu quelque chose de si naze… »
Le Sidhe se tourne vers l’échiquier ; son intonation change, perdant da sa subtilité, pour lui préférer des accents de tonnerre.
« Silence ! tonne-t-il. Nul prisonnier ne saurait douter de mes paroles ! »
Le calme revient de suite, alors que dans les couloirs se répercutent les mots de puissance.
« Bien, où en sommes-nous ? reprend le Sidhe. »
« Des créatures de l’Hiver agressent régulièrement nos sujets… »
Le noble coupe le Régent, sans brusquer personne.
« Serfs. »
« Si vous voulez. Bref, ces monstres jaillissent depuis les profondeurs sur les malchanceux. Dans le meilleur des cas les fées attaquées s’en sortent : par la fuite, cela va de soi. Autrement nous comptabilisons pas moins de cinq disparitions, rien que depuis un semestre. Certains de nos sujets… »
« Serfs. »
« … comme il vous sierra… certains ‘serfs’ se réfugient dans le monde des mondains, au cœur de la Banalité pour échapper à celle-ci. Il nous faut… »
« Agir, le coupe à nouveau le Sidhe. »
Ce dernier tient son blason à l’abri des regards, sous les plis de sa toge immaculée.
« Votre sagesse vos honore, se moque la Sluagh. Bon, voilà de bien grands mots, mais dans les faits ? »
« Auscultons d’abord ce mourrant, propose le Eiluned. Son état nous en apprendra sûrement beaucoup sur la condition de nos adversaires… »
« … ennemis, le reprend la Princesse. »
« Si bon vous semble. »
La Tour Noire prend sur elle, lâche un « Mouché, le coincé du cul ! » qui lui vaut une bastonnade administrée dans les règles : les pions noirs ne plaisantent pas avec l’étiquette, eux. Le Sidhe s’approche, retrousse, magistral, ses manches ; il ballade ses mains à quelques pouces de ma carcasse, fronce ses sourcils, qui n’en avaient guère besoin. Après deux minutes d’examen son diagnostique est sans appel :
« Cette fée est sauve, grâce à vos soins, Régent. »
Le Boggan acquiesce, rassuré, d’un hochement de tête.
« Néanmoins le venin qui le rongeait, et qui le digère encore à petite dose, est bel et bien celui de la Banalité. Nos… ennemis… ne sont pas de simples Chimères, nous en conviendrons. Reste à savoir comment, et surtout pourquoi, ils se réfugient dans les profondeurs. La Maison Eiluned soutiendra tout effort destiné à éradiquer ces forces hivernales, si proches de votre Château, Messires. »
La pique ne touche pas la Sluagh, qui hausse les épaules, dépitée.
« Tout ce jeu de scène pour si peu, ricane-t-elle. »
« Je… »
« Troll, Troll ! s’écrie un pion, coupant le Sidhe en plein effet de manche. »
« Invité, oui, invité ! »
A nouveau la porte s’ouvre en grand, un humanoïde, qui avoisine les trois toises, à la peau épaisse et bleue, se courbe pour la passer. Un kilt est enseveli sous des plaques de métal et de la maille, une énorme épée bat contre sa cuisse – qui ne l’est pas moins, énorme et épaisse. Deux petites cornes terminent un front haut, que couronne une chevelure rare. Chacun de ses poings dépasse en largeur le Boggan.
« C’est un moulin, ici, non pas les appartements du Régent ! s’exaspère ce dernier. »
« Auron ! s’exclame la Tour Noire. Ravi de vous revoir, vraiment ! »
Encore une bastonnade, que lui infligent sans coup férir une Reine Noire, en douce, et les gardiens noirs. Le dit Auron, à l’étroit, se plie à une piètre révérence.
« Le Régent Samson n’a-t-il pas demandé ma présence ? s’étonne-t-il, de cette voix, forte et grave, qui le caractérise. »
Lui aussi porte fièrement le griffon de la Lignée Gwydion, jusque sur le manche, tressé de cuir, de son espadon.
« Non, soupire le Boggan. Mais maintenant que vous êtes là, autant en profiter pour mettre fin aux débats. »
Tous se figent, l’instant est grave.
« Auron et sa Quatrième d’Infanterie partiront dans deux jours pour les sous-sols de ce Domaine. Avant cela je veux tout ce que mes terres comptent de Sluagh sur la brèche, à épier les donjons du métropolitain, à rapporter à la Princesse ce qu’ils ont vus et ce qu’ils savent. Et… »
« … la Maison Eiluned, dans tout ça ? sourcille le Sidhe. »
« Vos sorciers sont parmi les meilleurs, comme soutien on a rarement vu mieux, tranche Samson. Vous irez au front, avec ceux de votre Maison qui en auront le courage. »
« Comment osez-vous… »
« Par la force des choses, le coupe le Régent. L’Hiver nous harcèle, il est du devoir de chaque Lignée de préserver son peuple. A cela vous ne ferez pas opposition, j’espère. »
Le Sidhe quitte la pièce, sa colère contenue.
« Je vais prévenir notre flotte, déclare Auron. »
Avant de retourner à ses offices.
« Pareil mais mieux, sourit la Princesse. »
Puis de les imiter. Samson se retrouve seul.
« Bien menée, votre barque, Boss, comment le Roi Noir. »
« Merci. »
Le Boggan se dirige vers une fenêtre, scrute la nuit, de derrière les vitres colorées, les mains dans le dos. Il reste ainsi, le regard perdu, de longues minutes, la pipe au coin des lèvres, sans dire mot. Ma respiration se fait moins douloureuse, la fièvre retombe lentement. Finalement il se tourne vers moi, me rejoint, s’assied sur le rebord de mon lit.
« Cessez votre numéro, Comte, dit-il. Regardez-moi pleinement. »
Simplement, comme si nous étions de très vieux amis. Je m’exécute, il sourit sans plus de retenue. Fraternellement.
« Sire Albrecht, comme il est plaisant de vous savoir, contre toute attente, à nouveau parmi votre peuple. Détendez-vous, tout sa passera pour le mieux. Nulle bestiole ne menace votre vie. Vous êtes à l’abri, en ce Château, que vous admiriez autrefois, en Arcadie. Si mes souvenirs sont exacts. Allons, dormez du sommeil du juste, je vous expliquerais tout au réveil, j’en fais la promesse. Assoupissez-vous… »
Encore une fois j’obéis, rassuré sans trop savoir pourquoi.
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MessageSujet: Re: [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC]   [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC] EmptyLun 20 Nov - 16:24

... J'attends avec impatience l'imprimé papier; lol!
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MessageSujet: Re: [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC]   [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC] EmptyLun 20 Nov - 18:38

Nota Bene: QUI veut demande, et aura, dans la mesure où l'adresse mail du demandeur em sera communiquée :D
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MessageSujet: Re: [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC]   [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC] EmptyLun 20 Nov - 18:57

c'est pas comme si t'avais pas nos adresses Smile
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MessageSujet: Re: [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC]   [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC] EmptyMer 22 Nov - 13:26

a y est ! j'ai tout lu ... et comme d'habitude ca me semble trop court...
que de talent m'sieur Lacenaire, tes textes se dévorent littéralement !
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MessageSujet: Re: [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC]   [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC] EmptyMer 22 Nov - 13:45

Domo domo domo Wink

(et, entre nous, si cela s'avale si aisément, est-ce que, nonobstant leur mise en forme, cela se digère facilement?)
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MessageSujet: Re: [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC]   [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC] EmptyJeu 23 Nov - 13:59

HOP! De l'historique (moins d'action, plus de réflexion?)

*

ONCE, UPON A TIME… In the Dreamin’

(Très bref historique des fées)

« Vous voilà sur pied, Comte Albrecht. Vous m’en voyez ravi. A l’heure qu’il est, si tous vos souvenirs ne vous sont pas revenus, laissez-moi vous dire une chose : il serait normal que vous soyez étonné de me voir Régent du Château de l’Eté. Oui, je vous l’avoue sans détour, car je m’en vais vous rafraîchir la mémoire. Ce ne sera guère académique – juste les histoires d’un Boggan fatigué – ni très précis, puisqu’il s’agit des songes que m’offre la Nuit. Par où commencer, selon vous ?
Le début me paraît une option raisonnable.
Si rares sont ceux qui rêvent du Temps des Légendes, tant mieux : je peux vous assurer que ce don n’est en rien reposant. Les visions qui assaillent ces maudits en ont déjà rendus fous. Tant de couleurs, tant de vie, en de si brefs éclats. Nul ne sait qui vint en premier : Tuatha de Daanan ou mortels ? Les débats que soulève cette seule question ne trouveront jamais de réponse : nous vînmes après. Mais en voilà la substance : qui rêva le premier de l’autre ? Car à cette époque nous marchions parmi l’humanité, déités ou sages avisés, échappant au temps. Les rêveurs nous fournissaient le panache suffisant pour animer le monde. Une terre sans frontières, où d’antiques bêtes – mythiques, selon les mondains de ces tristes années – donnaient matière aux quêtes et aux tragédies. Les Tuatha nous donnèrent naissance, ou du moins fournirent à l’humanité le pouvoir de forger une parcelle du Songe selon leur souhait. Les mortels ne parvinrent à façonner que leurs plus grandes passions ou leurs plus terribles peurs. C’est de là que nous venons, mais il ne faut pas s’y tromper : si les mondains ont enfanté de notre peuple le seul pouvoir des Tuatha a permis ce miracle.
Le Printemps passa.
Il y eut de grandes guerres, des batailles épiques. A cette époque, qui dura des millénaires – car le Temps était apparu, depuis la dernière fois – les Fomoris s’opposèrent à nos géniteurs. Bien sûr nous prirent part au combat ; sur l’impulsion de Sidhe, nos sages, nous formèrent des rangs compacts, en des paysages apocalyptiques. Balor fut jeté à bas, ses armées vaincues. Par exemple. Lugh brandit sa lance bien haute, l’unique œil du Fomoire empalé sur le bois de chêne. Puis vinrent d’autres conflits, avec les Brises de l’Automne. Parmi nos géniteurs la concorde ne régnait pas forcément. Il arriva, un jour, que des affronts doivent être lavés dans le sang. De cela nul ne se souvient plus, seuls les légendes évoquent cette ère. Le résultat, lui, a perduré : les Tuatha de Danaan quittèrent ce monde. A moins qu’ils n’y gisent, à jamais défaits. C’est ainsi, sur une terre ruinée, que l’Eté s’acheva tout à fait. Comme vous voyez nous n’en gardons que peu de traces ; les Grandes Maisons en savent plus, ainsi que le veulent les traditions. Qui ne sait pas d’où il vient ne va nulle part, dit le proverbe. Il est normal que si des légendes nous sont parvenues jusqu’aujourd’hui, ce soient celles de la noblesse. La fondation de chaque Lignée est un secret qu’il est aisé d’éventer, ainsi nous nous souvenons de cette époque perdue.
Et nous tournâmes le dos à l’humanité.
Beaucoup prétendent le contraire, mais il faut se rendre à l’évidence : qu’importe lequel des deux parties se détourna d’abord de l’autre, nous abandonnâmes les mortels. Fuyant les prédations des fées les plus sauvages, les rêveurs trouvèrent refuge dans les cités. Là, à la force des armes et à la grâce de la diplomatie, ils se taillèrent des empires, dessinèrent des frontières. Nous sommes aujourd’hui bien obligés de constater ô combien nous les imitâmes. Au-deçà de tout ce que nous pûmes bâtir ou consolider, un Domaine, plus qu’un Sanctuaire et vierge de toute Banalité – à l’époque elle frissonnait encore, petite bête timide – devint une légende : Arcadie. Parce que les mortels parcellisaient le monde en territoires fluctuants, il perdit son infinité, se contracta en rivages et en horizons. Il fallut bien édifier un lieu bénit, où notre peuple pourrait vivre à l’abri. Ainsi fut fait, la Lune fut conçue, afin d’accueillir le plus brillant des royaumes. Là, loin des yeux mortels, nous pouvions à loisir intriguer et vivre, plus pleinement que ne le pouvaient les mondains. Nos sens dépassaient leur entendement : nous n’étions pas de chair, bien plus en vérité. Nous étions la sève, la mœlle du Rêve.
Bref, où en étais-je ?
Oui, les Primas de l’Automne. Ces guerres que nous livrions à notre propre genre, car, fruits de leurs rêves éthérés, nous les imitions. Il nous fallait des chefs, des dirigeants capables ! Pour cela des batailles rageaient, n’épargnant personne ; qu’il s’agisse d’estocades ou de railleries, à la cour comme au champ d’honneur, le conflit régnait. Même si d’ores et déjà les Sidhe, devenus conquérants, s’affirmaient comme monarques. Baba Yaga poussait son premier cri, une coïncidence pour laquelle on rosse encore de nos jours les Sluaghs, que l’Automne s’abattait tout à fait. Seelies et Unseelies s’opposèrent, la Banalité, de brebis égarée, devint fauve. Les peuples fées se rendirent coup pour coup, sans plus de raison que cela. Seulement parce que l’Eternel Eté touchait à sa fin. Le Glamour, auparavant en abondance, se raréfia. D’abord les Sidhe souffrirent de cet état de fait : jamais auparavant il ne leur avait fallut se soumettre aux rigueurs du monde des mortels. La Banalité les frappa presque de plein fouet : certains se flétrirent, des forts féeriques s’effondrèrent. Les unes après les autres, les Cours se retirèrent. Hiver comme Printemps, Eté comme Automne, tous se retrouvèrent en Arcadie, entre Sidhe, à l’abri de ce Brouillard gris qui obstruait les songes et corrompait les rêves des mortels.
L’Automne s’éveillait tout à fait. »
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MessageSujet: Re: [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC]   [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC] EmptyJeu 23 Nov - 14:00

... encore et toujours (dites-le si vous en avez assez Smile )

*

Samson paraît méditer, sa pipe éteinte au coin des lèvres. Il reprend la parole, une amertume légère glisse entre ses mots :

« Pour tout soutien, nous autres fées de confiance de ces nobles en fuite, les gens du commun – Trolls et Pookas enfin réunis – firent face. Cette vague de malheur, provoquée par une Peste Noire, entre autres choses, engloutit presque entièrement le Monde Connu. Comment en sommes-nous arrivé là ? Je l’ignore. L’ablation du Songe chez les mortels n’y est certainement pas étrangère. Nos corpus se désagrégeaient, pour certaines fées à vue d’œil. Pleurez, mon doux comte, parce que je perdais à cet instant, à l’ombre de hautes fougères, en des sous-bois qu’éclairait pauvrement un soleil blafard, une amante qui m’était chère. Une Satyre aux courbes pleines, dont la matière onirique se dispersait entre mes bras. Certaines fées du peuple souhaitèrent, devant l’ampleur de la catastrophe, se joindre à leurs dirigeants, en Arcadie. Nous tentâmes de les en dissuader, en vain : ils furent fermement repoussés, tandis que la vague de Banalité menaçait de forcer le passage jusque sur la Lune. Dès cet instant les plus sauvages Communs s’attaquèrent aux Sidhe qui, quelques soient leurs raisons, restaient en arrière. Les massacres se succédèrent.
Qu’il est triste de ne vous conter que les épisodes malheureux.
Tout en notre histoire n’est pas que carnages, je me dois de vous le dire. Nous avons aussi nos instants de gloire, ainsi que du bonheur à revendre. Mais, il faut bien l’avouer, ce sont ces évènements sanglants qui ont le plus marqué notre histoire : les autres nous sont familiers, pour ne pas dire habituels. Vous verrez, Messire Albrecht, bientôt vous retrouverez ce goût de l’aventure qui caractérise tant votre peuple. Ce ne sont pas quelques siècles de guerre qui raviront à nos sujets des millénaires de joie. Où en étais-je ? Ah, oui, l’Exode des Sidhe. Il allait bon train, croyez-moi ; des quatre coins de ces Terres Automnales, et même d’au-delà, ils nous quittèrent, laissant derrière eux des Communs, anoblis ou non, aux prises avec la Banalité. Il fallut nous adapter, souffrir jusque dans notre nature, pour lui faire face. Espèce après espèce, nous abandonnâmes nos atours purement féeriques pour joindre notre essence à la chair de mortels. Ainsi, cachés aux yeux de l’humanité, nous pouvions survivre à son manque de foi – une des raisons de cet Automne précoce. Certains ont baptisé cette ère le Crépuscule, pour je ne sais quelle raison. Chaque Kith trouva des siècles durant sa raison d’être ; Trolls et Satyres intégrèrent les grandes Cours des mortels, les Sluaghs et les Redcaps plongèrent un peu plus dans les ténèbres, à la lisière du monde humain. Puis, loin des yeux loin du cœur, les chemins vers Arcadie s’effondrèrent tout à fait. La Banalité enfla, jusqu’à recouvrir tout à fait le globe. Partout sa poussière, aux relents de cendres et froide, s’infiltrait. Jusque dans nos cœurs, il fallut apprendre à vivre avec son fardeau, qui tôt ou tard nous emportait.
Des fraternités, ou motley ces derniers temps, de Communs naquirent.
Nos cousins Unseelies, enfin, revinrent vers nous ; depuis l’Exode les conflits qui nous liaient semblaient perdre en vigueur, et pour cause. Un même ennemi nous rapprochait : la Banalité. Nous convînmes d’un cessez-le-feu qui dure encore aujourd’hui, malgré de fréquents accrochages. Certains Unseelies, pour des raisons que j’ignore, s’éloignèrent pour mieux disparaître, ne se présentant même pas le jour où cet accord historique était signé. Finalement chacun pouvait agir à sa guise, du moins presque ; l’influence des Lignées représentant les Sidhe ne pouvait plus s’étendre aux confins du monde connu. Des Communs éclairés se déclarèrent dirigeants, d’autres, plus sombres et meurtriers, imposèrent des règnes de terreur. Hormis celles établies par les elfes, dont je fais partie, aucune de ces lignées ne perdura. La plupart des fraternités étaient itinérantes, sous l’apparence de troupes de bateleurs, puis de cirques. Passant d’un corps à un autre, d’un mort à un nourrisson, nous survécûmes à la Banalité, échappant aux religions et autres autodafés. Nulle stabilité ne semblait pointer le bout de son nez mais, au moins, nous vivions. Autant vous le dire de suite : de nombreux Changelins nourrirent six cents durant une inimitié vivace à l’endroit des Sidhe, bien à l’abri en Arcadie. Nous évoluâmes, aussi, avec les époques. Paradoxalement la majeure partie des Communs se rapprochait du genre humain, avec amertume ou joie, selon les individus. Un cas de force majeur explique ce geste : la récolte du Glamour, du Songe. Auparavant cette force de création, l’imagination à l’état pur, nous composait. Depuis que la Banalité règne il nous en faut comme le mortel a besoin d’oxygène. Or ce même mortel est l’unique pourvoyeur, pour ces fées qui ne disposent pas de Sanctuaire. Certains inspirent puis fauchent délicatement ce Rêve, une minorité hors-la-loi la Ravagent avec délectation, ne laissant sur leur passage que des ruines de mortel, aux aspirations dévastées. A de multiples reprises, du seul fait de cette moisson, l’humanité connut de grands moments ; des légendes naquirent à nouveau, sporadiquement. Michel-Ange, De Vinci, pour n’en citer que deux – italiens, par la même occasion. Baudelaire, très certainement inspiré par les Sluaghs du Père Lachaise. Voilà des gens que je regrette amèrement.
Oui, ils ne sont plus. »
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MessageSujet: Re: [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC]   [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC] EmptyJeu 23 Nov - 14:00

Allons, allons, il n'y a pas tant que cela... si? Désolé! :P

*

Le Boggan rallume sa pipe, le regard perdu – où ? Nulle part où je puisse jeter un œil. Son front, déjà ridé, se creuse davantage.

« Je sais que cela a eu lieu à Paris, au cour de l’année 1800. La Cathédrale Notre-Dame est le cœur de ce singulier évènement, digne d’une apocalypse. Sans précédent, sachez-le. Tout ce dont je me souviens, avant qu’un mur de Banalité ne s’abatte sur moi, est ce visage grisonnant, aux yeux habités par les ténèbres du Vide. Sa poitrine percée de part en part, au pied de l’autel, à l’aide d’une lame troll. Le blason de la Maison Liam, souillé par un sang épais. Ensuite ? Des volutes noires s’extirpant difficilement de ce thorax déchiqueté.
Ce que nous pensâmes la venue de l’Hiver.
Une chape, lourde, presque tangible, de Banalité, qui balaya le monde. Depuis l’Est, de Lutèce jusqu’à l’Oural, englobant les Balkans et toute l’Afrique, gagnant les Iles du Glamour, Angleterre et Ecosse. Tout sur son passage, tout ce que la terre comptait de magique et d’ancien, fut balayé. Il est dit que l’Irlande résista. De quel fait, nous nous le demandons encore. Le Duché des Tulipes, Amsterdam, résiste encore, alors même que je vous parle. On ne sait comment. Toujours est-il que le mur fut détourné à l’entrée de la Russie, mais non contenu, par Baba Yaga elle-même, sorcière mythique. Le flux se brisa, pour mieux se répandre. Japon, Chine, l’Asie et le Moyen Orient en général, furent engloutis en moins de deux jours. Sur son passage la Banalité estropiait qui avait encore la foi. Nous autres, présents au point zéro du cataclysme, pûmes fuir par la truchement de la Destinée – j’en suis encore redevable à la Maison Scathach. En ce qui concerne les fées prises au piège… je ne puis vous dire si leur fin fût douloureuse ou non ; les rapports nous manquent, les survivants se comptent sur les doigts d’une main.
La Banalité envahit les nuages, avant de corrompre les étoiles.
La seule Lune semblait pouvoir lui tenir tête, à jamais inviolée. D’après nos sources l’apocalypse traversa bien les océans, faisant fi des tempêtes qu’elle provoquait de sa seule présence. Quelque chose, jusqu’au plus sage des Eiluneds, dont nous ignorons la nature, la stoppa. Ce qui allait devenir Concordia, c’est-à-dire les Etats-Unis, non l’intégralité des continents américains, fut presque entièrement épargné ; de ce mur gris ne restait plus, après nos frontières, qu’une brise passagère. Qui ne manqua pas d’assouvir les esprits des mortels, sans atteindre les nôtres. Si la disette était à nos portes, nous étions en vie. A nouveau le peuple féerique fut convié à un rassemblement : la concorde n’était d’ores et déjà plus une option. Notre survie dépendait de notre entente. Cet accord tacite marcha à merveille : notre nation prospéra, contre toute attente. Si aucun nouveau code ne fut rédigé, l’ancien, l’Escheat, fut renforcé. Tout contrevenant à ses édits jouait son existence. Des semblants de Cours Saisonnales furent instaurés : je siégeais en qualité de dirigeant de la Cour d’Eté. Près de deux siècles durant, faisant fi des conflits et des abus, nous surmontâmes le traumatisme de 1800.
Un chien entra dans l’espace.
Cela nous fit rire, exception faite des Pookas, que je consolais tant bien que mal. Puis vint le tour d’un homme. Puis d’autres. Nous étions trop occupés à régenter ce peuple dissolu, rêveur et souvent inconsistant, pour nous préoccuper du sacrilège qui se préparait. Un mortel posa son pied sur la Lune. Le Rêve engendré sur le monde de l’Automne rejoignit celui, bien plus distant, d’Arcadie. Tout ce Songe, neuf, empli d’espoir, retransmit en direct par des millions de postes télévisés, se focalisa sur le fameux Armstrong. Une résonance inédite, qui fit vibrer nos êtres tout entiers, fit le tour du globe. En cour de route quelque chose se brisa. Arcadie, selon nos observations, implosa en partie. La partie visible de la Lune s’auréola brièvement avant de se répandre, copeaux démesurés, sur Concordia. Ces morceaux infimes, que seuls les télescopes de Nockers pouvaient percevoir, se désagrégèrent presque entièrement au contact de la Banalité. N’en subsistent à ce jour que de minces parcelles, qui parsèment le Monde Connu. D’autres, des Domaines presque intacts, s’incrustèrent à la trame de la réalité ; le Château de l’Eté, sur Central Park ; le Castel du Printemps, perché sur des hauteurs chimériques, à San Francisco ; les Forts de l’Hiver, à Montréal. Avec ces bastions jamais pris le Défilé des Damnés, d’où, à chaque première neige, surgissent les hordes hivernales. Jusqu’à présent la Cour de l’Hiver a su repousser ces monstrueux assaillants – tel est son devoir. »
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MessageSujet: Re: [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC]   [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC] EmptyJeu 23 Nov - 14:45

aaaaaaaaahhhhhhhhhhh!!!!!!!!! mais pourquoi ca s'arrête !!
c'est trop inzuste :kalimero:
je suis insatiable, j'en veux encore et toujours plus .....
c'est vraiment excellent Lacenaire, je crois que je suis fan .. oups ! Embarassed
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MessageSujet: Re: [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC]   [Changeling: The Dreaming/ chronique NYC] EmptyJeu 23 Nov - 15:53

La suite Lundi... sorry sorry sorry... et merci Embarassed
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